Le musée du silence - 2000


Mon résumé
Un jeune muséographe entreprend d'aménager un musée unique au monde dans les anciennes écuries d'un étrange manoir. La propriétaire, une vieille dame acariâtre lui demande de créer le musée qui lui permettra d'exposera les objets subtilisés à ceux qui sont morts dans son entourage. Bientôt, le jeune homme est lui même chargé d'aller recueillir un objet révélateur du défunt. Aidé de la fille adoptive de sa patronne, du jardinier, de la femme de ménage, il entreprend de faire vivre la collection, tandis qu'autour de ce petit monde, de jeunes femmes sont assassinées. L'entreprise du musée, bientôt, le passionne, au point de l'éloigner d'une certaine réalité.
Vous voyez, je cherche l'objet qui soit la preuve la plus vivante et la plus fidèle de l'existence physique de la personne. Ou alors, quelque chose empêchant éternellement l'accomplissement de la mort qui fait s'écrouler à la base cet empilement si précieux des années de vie. (p 45)
Un peu plus
Observation et conservation de la mémoire, voici les mots qui me viennent à l'esprit. Il s'agit dans ce roman du thème du passage de la vie à la mort, et de ce que nos proches parviennent à garder de nous pour nous représenter : il ne s'agit pas de piocher au hasard de nos possessions un objet quelconque, mais de repérer l'objet qui nous appelle, celui dans lequel est passée notre âme. Ainsi, le jeune homme, garde t-il auprès de lui le microscope de son grand-frère, le livre préféré de sa mère.
Quand je suis arrivé au village, je n'avais qu'un petit sac de voyage à la main. A l'intérieur, quelques vêtements de rechange, mes affaires pour écrire, le nécessaire pour me raser, mon microscope, et deux livres, le "Traité de muséologie" et le "Journal d'Anne Franck", c'est tout. (p 7)

Le narrateur est le jeune muséographe et, comme souvent chez Ogawa, nous devenons le personnage, nous épousons ses formes, son passé, ses pensées. Cette fois, nous sommes celui qui met tout son coeur et toute son âme à mettre en valeur les objets qu'il doit sauvegarder et évoquer. Ce jeune homme arrive dans cet étrange endroit légèrement coupé du monde et tente de réussir au mieux la tâche qui lui est confiée. Sa plus grande peine est de voir disparaître les objets.
Quelque part dans un endroit que nous ne connaissons pas, il y aurait un musée pour exposer les collections qui ont disparu de ce monde. (p 280)
Peu à peu, il va faire connaissance d'une étrange communauté de moines "prédicateurs du silence" qui vivent reclus, ayant fait voeu de silence et se couvrant de peaux de bisons des roches blanches. Lui et la jeune fille qui lui sert d'assistante rencontre un jeune novice sont le charme ne laisse pas la jeune fille indifférente. Très vite, la vieille dame ne pouvant plus se déplacer facilement, il est chargé de choisir et rapporter pour le futur musée les objets, tandis que des policiers cherchent à connaître son emploi du temps, les jours où de jeunes femmes ont été tuées et mutilées.

Un roman qui vibre comme une surface liquide où ne se reflète pas toujours la vérité. Nous y trouvons plusieurs thèmes habituels d'Ogawa : les collections, la patience, les mutilations, le microscope : l'observation des cellules
Lorsque je manipule pendant longtemps le microscope, il m'arrive souvent d'avoir l'impression de ne plus être derrière l'oculaire, mais à l'intérieur de la petite goutte prise entre la lame et la lamelle. c'est l'instant où je suis le plus heureux. parce que je peux fouiller ma mémoire de mes propres yeux. (p 179)
le temps qui passe, les ombres portées, les illusions, et, pour la première fois, même si l'enquête reste en filigrane : des meurtres mystérieux.

Je le savais déjà : Ogawa est merveilleuse, même lorsqu'il s'agit de tracer les limites d'un nouveau labyrinthe : celui du temps qui passe.

Notons au passage que Yoko a glissé dans son roman le livre qui, comme moi, l'a marquée quand elle était jeune : Le journal d'Anne Franck. Il faut dire que Yoko et moi n'avons que deux ans d'écart, et qu'il se peut que ce genre de livre "témoin" comme le journal de cette petite fille qui a vécu cachée dans un grenier secret parce qu'elle était juive et menacée d'être déportée ne peut laisser personne indifférent, et semble être lu au delà de toutes les frontières des hommes.
Titre original : Chinmoku hakubutsukan
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle
315 pages